Même pas drôle ! L’interview
Article mis en ligne le 11 janvier 2023
dernière modification le 17 janvier 2023

par Les P’tits Reporters

Vendredi 25 novembre 2022, nous avons interviewé les auteurs du livre « Même pas drôle ! ».

M. JAN - Mme MONTASSIER - SOFIJO (séance de dédicace du 24 septembre 2022)

Bonjour. Pour commencer, nous vous demandons de bien vouloir vous présenter.

Bonjour. Je m’appelle Aurélie Montassier. Je suis enseignante à l’école de Chevilly et cette année j’ai des CM1.

Et moi c’est monsieur Jan, aussi à l’école de Chevilly avec des CM1.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?

En tant qu’enseignant, on nous demande à l’école de parler du harcèlement. C’est un sujet qui doit être traité tous les ans lors d’une journée dédiée. Avec Aurélie (Montassier), on avait l’habitude d’utiliser des capsules vidéo mais on voulait traiter le sujet en littérature. Malheureusement, nous n’avons rien trouvé de satisfaisant. Pour le collège, il existe plusieurs livres mais il y a peu de choses pour les écoles primaires donc on a décidé d’écrire une histoire pour nos élèves. C’est ainsi que nous avons écrit « Même pas drôle ! ». À la base c’était un outil pour nos classes et ça s’est transformé en livre pour tout le monde.

Comment vous êtes-vous organisés pour l’écriture du livre entre vie de famille et travail ?

On a commencé à écrire pendant le premier confinement en avril 2020. C’était à l’époque où tout le monde était à la maison. Il n’y avait pas d’école, pas de collège. On ne pouvait plus aller au travail. C’était inattendu comme situation. Donc on s’est appelés tous les jours, une heure par jour au téléphone. On n’était pas en visio, on était vraiment au téléphone. C’est ainsi qu’on a commencé à écrire toute la partie de Martin.
Après les écoles ont réouvert, on a eu le droit de revenir au travail et on a continué l’écriture un peu le soir. On s’est vus aussi pendant les vacances d’été plusieurs fois et on a poursuivi à la rentrée, en septembre, 2 à 3 fois par semaine.

Pourquoi vous avez fait le choix d’écrire ce livre à deux ?

En fait, on ne se sentait pas capables d’écrire tout seul. Avec Christophe (Jan), on se connait bien depuis des années, on travaille beaucoup ensemble, on fait beaucoup de projets en commun avec nos élèves. Lorsque je lui ai dit « on a qu’à écrire cette histoire », il m’a dit « mais on n’est pas auteurs, c’est non ». J’ai insisté en disant qu’on pouvait essayer. Donc on a essayé à deux, ça nous semblait plus facile parce qu’on avait l’impression d’être comme dans le travail qu’on fait au quotidien, comme un travail d’équipe.

Ça fait des années qu’on travaille tout le temps en binôme avec Aurélie. Nos projets, on les fait tout le temps ensemble. On s’est rendus compte qu’on était meilleurs à deux que tout seul. Les points forts de l’un ne sont pas forcément ceux de l’autre. On se compense l’un et l’autre. La qualité est meilleure que lorsqu’on est seul.

Avez-vous dû faire des compromis en écrivant à deux ?

Il y a eu très peu de compromis. Au téléphone, on a écrit ensemble. On était à peu près d’accords pour débuter tous les deux. On se disait « mais quand tu dis qu’il faut que j’écrive ça, je l’écris comment la phrase ? ». Vraiment en binôme, on a appris à écrire. Et après, quand on se voyait pour écrire, on écrivait chacun de son côté, et au bout de dix minutes, on mettait en commun. On se rendait compte alors qu’on n’avait pas écrit les mêmes choses mais qu’elles pouvaient se combiner. Ainsi on pouvait prendre les 3 premières lignes de Christophe, moi, je rajoutais ma phrase, puis une idée de Christophe ou une des miennes. Et ainsi de suite, comme un puzzle, les chapitres se sont créés. Il n’y a pas vraiment eu de compromis. On n’a pas eu l’impression de devoir lâcher quelque chose contenter l’autre.

C’est assez étonnant, mais on n’a pas fait de compromis.

On a toujours été d’accords.

Voila.

Quel a été le but d’ajouter des illustrations ?

Alors les illustrations, pour nous, c’est primordial, parce qu’à l’école élémentaire, dès qu’on vous donne un livre, la première chose que vous allez faire, c’est regarder s’il y a des images. Puis on s’est aussi dit qu’il fallait donner envie aux élèves qui ont des difficultés en lecture ou aux élèves qui n’aiment pas lire tout simplement. Ensuite, chaque illustration, très souvent, c’est un moyen pour que le lecteur comprenne encore mieux ce qui se passe. Si l’enfant n’a pas compris ce qu’il a lu tout seul, et bien, grâce à l’illustration il va mieux comprendre l’histoire. Donc, pour nous, les illustrations sont primordiales, elles sont comme des clés pour comprendre la suite.

Il y a même dans l’illustration des détails qui ne sont pas dits dans le texte qui rajoutent un plus.

Spoiler

Exemple : quand Martin dit « J’ai trouvé la solution. Eurêka ! » ce n’est pas écrit qu’il va prendre des médicaments. C’est juste illustré. Si on n’avait pas mis l’illustration, il aurait fallu qu’on rajoute « Martin commença à prendre les médicaments de son papa … ». Mais tout ça on ne le dit pas en fait. On voit juste dans la bulle les pensées de Martin : la boîte de médicaments. Ceci nous permet de ne pas tout dire dans le texte et c’est à l’enfant d’aller chercher les réponses dans l’illustration.

Comment avez-vous connu l’illustratrice SOFIJO ?

Je l’avais rencontrée par hasard à la chorale car je fais beaucoup de chant. Pendant la COVID, j’ai découvert que son métier était illustratrice et je lui ai demandé si elle avait déjà travaillé sur l’illustration d’un livre. Comme c’était une nouvelle expérience pour elle aussi, on lui a proposé de participer à notre projet. Elle était intéressée par notre projet et a participé bénévolement car, comme nous, elle est partie de rien. Si on avait engagé un illustrateur, ça nous aurait coûté très cher.

Votre choix d’écrire pour un public précis vous a-t-il influencés dans le choix des mots et la longueur du texte ?

Comme on l’avait dit au départ, ce livre a été écrit pour le cycle 3 : CM1, CM2, 6e. On a choisi d’utiliser deux styles de vocabulaires différents. Quand on est dans les pensées du personnage, on a choisi un langage un peu plus soutenu et, par contre, dès que l’enfant prend la parole, le langage est plus familier, plus simple. Donc on avait réfléchi effectivement au lexique employé. Simple pour que les enfants comprennent facilement mais on voulait un peu de complexité dans les pensées, avec des mots qu’on ne voit pas souvent, pour apporter de l’étendu dans le vocabulaire des enfants.

Et par rapport à la longueur du texte, on ne savait pas du tout à l’avance vers quel type de roman on allait se lancer, ni le nombre de pages que ça allait prendre. On savait juste que l’on voulait traiter 6 ou 7 journées dans l’année et que l’on retrouve celles-ci dans la vie de chacun des protagonistes. Mais on ne savait pas combien de pages allait nous prendre une journée. On n’avait pas du tout évalué la grosseur du roman. Ça on ne pouvait pas le savoir … en plus des illustrations sont venues s’imbriquer donc ça a été un peu la découverte à la fin.

Combien de temps vous a-t-il fallu pour écrire ce livre ?

Il nous a fallu environ 6 mois d’écriture et après l’illustratrice a mis 9 mois à faire la quarantaine d’illustrations donc, en tout, pour que le livre soit réellement proposable aux éditeurs, il a fallu un an et demi à peu près, pour proposer quelque chose d’abouti.

Avez-vous dû faire des compromis avec la maison d’édition ou l’Éducation Nationale, ou avez-vous été libres dans l’écriture et les modifications à apporter ?

On a été totalement libres. Les éditeurs ne nous ont rien imposé. L’Éducation Nationale non plus. La seule chose que l’on a dû modifier c’est le titre. Parce qu’à la base, notre livre devait s’appeler « Et toi, que ferais-tu ? » et en rencontrant les éditeurs, on s’est rendus compte qu’un livre pour enfants portait déjà ce titre. Donc il a fallu en trouver un autre.

On a cherché (sourire).

On a trouvé « Même pas drôle ! » et après plusieurs essais, il nous a plu. Ce fut le seul compromis.

Pourquoi avoir fait le choix d’écrire sous ce format : entrée journalière ?

En fait, comme on était déjà partis dans notre tête sur « être dans la tête de 3 personnages », on voulait vraiment qu’il y ait peu de journées mais des journées marquantes et qui montrent la graduation du harcèlement. A la place d’écrire sous forme de chapitres, on a préféré séparer notre écriture par rapport à des journées précises, sous forme d’éphéméride tout au long du roman.

Et on trouvait que c’était plus facile de se repérer pour étudier/comparer une journée précise pour chaque personnage. Ça permet de remettre en perspective ce qui s’est passé dans la tête de chacun. C’était un choix.

En classe, quand on étudie le roman, moi, je fais une frise du temps, je mets les dates et en dessous je mets toutes les illustrations qu’on retrouve sur ce qui s’est passé dans la tête des 3 personnages. Et ça permet avec les mêmes journées de se repérer sur ce qu’a vécu chaque personnage. Pour mieux comprendre l’évolution des journées.

On voulait montrer que ce n’est pas parce qu’on est embêté une fois que c’est du harcèlement. On a voulu montrer par l’éphéméride que c’est étalé sur toute une année scolaire. Le harcèlement c’est quelque chose qui dure dans le temps.

Pourquoi avoir fait le choix d’écrire à la première personne ?

Justement pour être dans la tête des enfants. Ce sont les enfants qui nous racontent leur histoire. C’est plus parlant.

Quand le lecteur lit tout seul, il peut s’identifier au personnage et se mettre dans la peau de chacun lorsqu’il lit « JE ». Il va se dire « Ah là, je suis Martin. » et après « ben là, je suis Amaury ». C’est peut-être moins drôle d’être Amaury. Et puis enfin « Ah ! je suis Margaux. Est-ce que j’aurais réagi pareil ? ».

Pourquoi ces 3 personnages ?

Alors, 3 personnages parce qu’avec Christophe, on est quasiment sûrs que dans une situation de harcèlement, il y a forcément le harcelé, le ou les harceleurs et les témoins. Et majoritairement dans votre vie, vous allez tous, un jour, être témoin ou vous avez tous déjà été témoins. Je n’espère pas souvent harcelés et j’espère encore moins harceleurs. Mais on est tous témoin un jour. On est persuadés avec Christophe que si le témoin osait parler sans avoir peur des représailles et bien le harcèlement s’arrêterait plus facilement. Et quand on est témoin, on vient en aide à celui qui est harcelé. Donc si le témoin parle, il n’y aurait plus de harcèlement possible. Donc trois personnages parce que le témoin est hyper important.

Pourquoi pas d’adulte ?

Nous, on voulait intéresser les enfants, on voulait qu’ils puissent s’identifier aux personnages et en fait souvent, dans les situations de harcèlement, les enfants le font dans le dos des adultes. Souvent ça se passe dans des coins où l’adulte n’est pas présent. Et il arrive que les adultes ne puissent pas voir. C’est d’ailleurs ce qui se passe dans le livre. Il y a des adultes dans le livre mais à chaque fois, ils passent à côté, ils ne voient rien. Et c’est aussi pour faire passer le message : ce n’est pas parce que l’adulte ne voit pas qu’il n’y a pas des choses à faire. Si on veut que l’adulte intervienne, c’est aussi à l’enfant de parler. Comme disait Aurélie, le rôle du témoin est capital.

On a aussi écrit cette histoire parce que nous, en tant qu’enseignant et aussi en tant que parent, on sait que l’on peut passer à côté, on sait que l’on ne peut pas tout voir. Il y a beaucoup d’enfants qui viennent se plaindre dans la journée pour des faits « pas graves ». Et nous, on a peur un jour de passer à côté de quelque chose de grave mais qu’on n’ait plus la patience à ce moment-là ou qu’on n’ait pas le temps d’y répondre. Et que l’enfant était prêt à nous dire quelque chose de très important et que nous on lui réponde « Là, on n’a pas le temps, là, on fait les mathématiques. Hop ! On se met au travail. » Et bien, on aura raté le moment où l’enfant était prêt à parler. Donc nous, on a peur de passer à côté. Je pense qu’il y a des parents qui passent à côté parce qu’ils ne le voient pas aussi ou parce que l’enfant ne parle pas. Tout le monde peut passer à côté donc en mettant l’adulte entre parenthèses, c’est pour montrer que dans ce monde d’enfants parfois l’adulte il n’est pas présent parce qu’on est tellement préoccupés nous par notre travail, par les choses à faire que des fois on n’a pas de temps, d’attention pour l’enfant. Ce n’est pas contre les enfants, c’est que parfois, on a notre vie d’adulte aussi et c’est compliqué de tout gérer.

Spoiler

Exemple : dans le livre Margaux est capitale. Si elle avait réagi plus tôt et qu’elle avait été voir un adulte, il aurait pu agir. Comme on le voit à la fin, quand les adultes sont au courant, ils font quelque chose.

Comment avez-vous pu vous mettre à la place de chaque personnage ?

On a été enfant, déjà, j’en ai même gardé la taille (rires). Et on s’est un peu servi de notre expérience comme Martin, il est de petite taille. Toutes les blagues que Martin entend sur lui, je les ai entendues dans ma vie. On me les a toutes balancées. Donc je me suis servi de mon vécu. Margaux c’est une enfant plus réservée qui a quelques complexes. C’est Aurélie qui s’est retrouvée dans son enfance, dans son adolescence avec des passages difficiles et donc ça a nourrit le personnage de Margaux. Où on a eu vraiment plus de mal, pour être très honnêtes, c’est pour le personnage d’Amaury parce qu’aucun de nous deux n’étaient harceleurs. Ça a été très compliqué de se mettre à sa place. On a choisi une famille bancale pour Amaury. Mais c’est vrai que ça a été un passage plus compliqué. C’est un peu notre passé, notre vécu qui nous ont permis d’être à la place des personnages.

L’histoire du livre est-elle basée sur des faits réels dont vous avez été témoins ? ou de faits divers ? ou purement fictionnelle ?

Comme on l’a déjà dit c’est un peu de tout : des choses viennent de nous, comme pour les brimades que je recevais petit, ça c’est du réel mais les situations sont complétement inventées.

On voulait une scène de moquerie, une scène de violence physique, une scène de racket et on a à chaque fois inventé. On a de la chance, nous n’avons jamais été témoins de harcèlement dans nos écoles. On n’avait pas d’exemples particuliers à mettre dans le livre. Tout ce qui a été écrit a été inventé en se disant « ça pourrait être possible, donc on va l’écrire ».
On a cherché des situations crédibles mais qui n’ont pas existé.

Pourquoi avoir choisi de donner une motivation au harceleur ?

On est convaincus avec Aurélie qu’on ne nait pas harceleur mais qu’on le devient. C’est impossible de naître méchant, ce sont les circonstances de la vie qui font qu’on le devient. Et il y a toujours une cause. Il y a des dizaines de causes possibles et nous il fallait qu’on en choisisse une. On sait que des familles qui dysfonctionnent ça peut être un motif, il y en a plein d’autres. On sait aussi qu’il y a des familles qui dysfonctionnent mais l’enfant ne devient pas harceleur. On devait choisir quelque chose…
Exemple : quand l’histoire est racontée du point de vue de Martin, Amaury est insupportable. Et puis, on lit son histoire, son point de vue. Et on comprend qu’il avait peut-être des raisons pour son comportement, des explications permettant de comprendre pourquoi chaque geste violent est accompli. Dans ce cas, nous avons choisi « cette raison » mais nous aurions pu en choisir une autre qui aurait fonctionné tout autant.

Et c’est pour ça aussi qu’on a présenté Margaux avec une situation familiale compliquée. Pour montrer qu’une situation familiale compliquée n’implique pas forcément de devenir harceleur. Il fallait choisir une raison. Il peut y en avoir plein, ça peut être un deuil, être soi-même harcelé ou avoir été harcelé. Un enfant peut être agressif avec les autres et s’en prendre à un enfant heureux tout simplement parce que lui, il est malheureux. Quelque part c’est un mal-être. Il y a un souci psychologique.

Est-ce que le témoin est fautif pour ne pas avoir agi ou parlé ?

On ne veut pas culpabiliser, montrer du doigt, mais le témoin c’est l’élément clé de toutes les histoires de harcèlement.
Spoiler : Si Margaux avait parlé plus vite, l’histoire se serait réglée.
Après on comprend, ce n’est jamais facile de parler parce qu’on se dit que le harceleur peut se retourner contre nous. Mais le témoin est la clé. Il faut parler dès que l’on voit quelque chose.

En fait ce qu’il faut se dire c’est que le harcelé est en danger. Donc si un témoin n’intervient pas, on pourrait appeler ça de la non-assistance à personne en danger. On ne vient pas aider quelqu’un qui est en danger, on le laisse avec son ou ses harceleurs. Ça c’est puni par la loi. Il faut faire attention. Si on voit quelque chose, il faut le dire. Vous n’êtes pas une balance pour autant.
Si une personne est en train de saigner, on lui apporte de l’aide. On ne le laisse pas saigner. Donc là c’est pareil. Vous lui portez secours. Sinon le témoin est aussi fautif que les autres, même s’il n’a rien provoqué de lui-même.

Est-ce que les camarades qui entrent dans le jeu d’Amaury sont des harceleurs ?

Evidemment. C’est ce qu’on appelle l’effet de bande. Au départ, il n’y en a qu’un et ça fait boule de neige. Ça amuse certains et ils rentrent dans le jeu. Peut-être que certains le font car ils se disent « Il vaut mieux que ce soit lui que moi », « Il vaut mieux être copain avec Amaury et participer ». Donc ils se rendent complices et on peut les mettre dans la catégorie des harceleurs.

Je dirai même que c’est pire. Car au début ils sont tous témoins et ils deviennent harceleurs. Ils sont pires que le harceleur. Ils voient les choses se faire et après ils y participent, bien qu’au départ, certains n’étaient pas d’accord avec ça.

Spoiler

Exemple : à la fin avec les ardoises, ils sont presque toute la classe à participer.

Même Margaux a failli tomber dans la facilité des insultes, avec les ardoises.

Pourquoi avoir choisi une fin aussi percutante ?

Alors, ma première idée a été annulée car elle était encore plus percutante.

Là, il y a eu un compromis.

C’était le seul compromis. La fin, c’est le début, cette image d’hôpital. On voulait quelque chose qui choque. Et moi ma première idée, ce n’était pas à l’hôpital que ça se finissait. Pour moi, la première image c’était un cimetière. On était devant la tombe de Martin. Après Aurélie m’a dit « il ne faut peut-être pas exagérer non plus, ça va être un peu compliqué ». Cette fin était volontaire pour interpeller.

Quels sont les limites que vous vous êtes données dans le choix des « actions négatives » ?

La seule chose qu’on n’a pas voulu aborder c’est le cyberharcèlement. Parce que l’histoire se passe en primaire. Et normalement, en primaire, il n’y a pas de téléphone, contrairement au collège. C’est une limite que l’on s’est donnée car on voulait écrire une histoire qui n’avait pas déjà été faite. Il y a déjà plein de livres sur le cyberharcèlement et à l’école élémentaire, on est encore à l’abri de ça.

Pourquoi avoir montrer la fin dès la première page dans une illustration ?

Parce que ça permet aux enfants, en tout cas en classe, de se poser des questions sur les personnages et les confronter avec la première de couverture. Et de réfléchir et s’imaginer les histoires qui pourraient être racontées à partir de cette image. Ça permet à l’enfant de rentrer dans la lecture avec une attente. Il a besoin de trouver des réponses à ses questions. Le lecteur est motivé, il confronte ses hypothèses avec ce que la lecture lui apprend. Ça ouvre le débat en classe. Ça permet de captiver tous les enfants parce que du coup, ils veulent tous savoir la suite et ils veulent comprendre pourquoi Amaury fait ça et pourquoi Margaux ne parle pas.

Ils sont intrigués de savoir pourquoi il est à l’hôpital. C’est pour marquer d’entrée.

Avez-vous l’impression pour l’instant que les cours que vous avez fait avec ce livre ont permis une évolution ?

Pour l’avoir travaillé avec mes élèves l’année dernière, tous mes élèves, même ceux en difficulté, ont compris ce qu’était le harcèlement et ils ont développé un lexique, un vocabulaire très pointilleux. Ils savaient tous ce que c’était du racket, une violence verbale, une violence physique, des moqueries, des injures. Donc un vocabulaire s’est ouvert. Ce qui veut dire qu’ils connaissent la différence entre être embêté et être harcelé. Et puis ça a développé de l’empathie entre eux, ils restent moins passifs face aux actions autour d’eux.
Après on ne dit pas que cela va tout révolutionner. Il faudrait en parler tous les ans, à tous les niveaux et développer beaucoup la prise de parole, parler de ses émotions en classe, ce qu’on ressent ou faire des ateliers pour se mettre à la place d’un autre. Nous, on a semé une petite graine. On espère que ce roman va être utilisé par les autres enseignants. Ce roman c’est un outil de travail.

Si on peut éviter une ou deux victimes grâce à ce roman, on aura réussi notre mission.

Êtes-vous surpris par l’ampleur du succès du livre ?

Non, on sait qu’on est trop forts.

Rires

Sérieusement, on a été totalement dépassés. Au départ, c’était une histoire uniquement pour nos élèves. Donc c’est un peu un hasard que ce soit devenu un livre, suite à des échanges avec notre Inspecteur. Nous ne nous attendions pas à autant de choses. C’est une belle surprise.

Et c’est peut-être que le début.

Oui, peut-être. Il y a encore des choses qui se préparent et on espère que le livre continuera son chemin. Là, on quitte un peu le Loiret pour le faire connaître un peu partout. Et on croise les doigts.

On vous tiendra informés.